Entre le XIXe et le XXe siècle, ils sont jusqu’à plus de 10 000 à partir chaque année depuis la France pour pêcher la morue. On les appelle les Terre-Neuvas.
Dans l’article du jour, une nouvelle histoire qui nous amène à prendre le large vers les grands bancs de Terre Neuve non loin du Canada. Entre le XIXe et le XXe siècle, ils sont jusqu’à plus de 10 000 à partir chaque année depuis la France pour pêcher la morue. On les appelle les Terre Neuvas. Et quoi de mieux, pour raconter une histoire, que de retrouver les témoignages de quelques-uns de ces pêcheurs…
La pêche près des côtes de Terre Neuve commence dès le XIIIe siècle avec l’arrivée de Basques à la recherche de baleines. Tous les ans, ils reviendront pêcher la baleine pour sa chair séchée et son huile. Puis, au XVIIe siècle, les bateaux affluent, nombreux, sur ces bancs dans lesquels la morue vit en abondance. Au XVIIIe siècle, si les territoires alentours appartiennent aux Anglais, ces derniers concèdent aux Français le droit de pêcher la morue à Terre Neuve – on appelle la côte « le French Shore ».
La pêche dans les grands bancs de Terre Neuve bat son plein entre 1820 et 1840. A l’époque, les pêcheurs et équipages sont recrutés de novembre à janvier pour partir en mer en mars, ils partent pour 6 à 8 mois. Et après une longue traversée de l’océan Atlantique, les futures conditions de travail de ces pêcheurs en route pour Terre Neuve seront loin d’être favorables…
« Nous arrivions aux abords du Grand-Banc ; à défaut du plomb de sonde, le brusque changement de la température nous en eût avertis : aux journées relativement douces de la traversée du Gulf Stream, succédaient les froids humides et pénétrants de ce pays de lourds brouillards, de brumes « à couper au couteau », comme on dit. »
"Pêcheurs de Terre-Neuve. Récit d'un ancien pêcheur." de Anonyme
Ces « pêcheurs de l’extrême » doivent prévoir un équipement leur permettant de rester au chaud et au sec.
« Ces « avances » sont nécessaires pour permettre aux hommes de s’équiper comme il convient pour le métier. - Car il en faut un équipement ! De grandes bottes, assez semblables à celles des égoutiers de Paris, et qui valaient de quarante à soixante francs ; - au moins trois « cirages » (vêtements huilés) indispensables sous les brumes et les pluies de Terre-Neuve, et qui coûtaient encore soixante francs ; - des mitaines, sorte de moufles épaisses pour lever les lignes de fond, et tous les vêtement de laine ou de molleton (car jamais de linge) que suppose un séjour d’environ six mois sous un ciel qui vous mouille presque constamment, quand la mer elle-même ne se met pas de la partie. »
"Pêcheurs de Terre-Neuve. Récit d'un ancien pêcheur." de Anonyme
Et ils doivent apprendre à naviguer sur des doris, des bateaux américains à fond plat plus adaptés à la navigation sur les côtes de Terre-Neuve. Ce type de bateau sera utilisé jusqu’en 1950 puis remplacé par des bateaux à vapeur et des chaluts.
« Les hommes sautaient à bord, le patron de doris s’installait à l’avant pour ramer dans la direction qui lui était dévolue, son aide était à l’arrière, près des mannes. C’est lui qui sèmerait, hameçon par hameçon, dans la mer. […] Chaque doris avait un écartement d’environ 30 degrés (2 quarts 1/2 de compas). On mouillait les lignes suivant la vitesse du doris, de telle façon qu’elles fussent bien allongées.»
"L'aventure à Terre-Neuve : Fécamp, Granville, Saint-Malo... Les héros de la Grande Pêche témoignent" Dominique Le Brun et Loïc Josse
L’histoire de ces hommes, de ces Terre-neuvas pêcheurs, trancheurs ou saleurs, a largement marqué certaines villes côtières qui n’attendaient que leur retour. Et le meilleur moyen de se rendre compte de la difficulté de ce travail serait encore de le voir en images…
La grande pêche à la morue des Terre Neuvas, partie 2 - 1970
Les Terre Neuvas- 1993
Terre Neuve, la pêche à la morue - 2012
Saint-Malo : la pêche sur les bancs de Terre Neuve - 2018
Pour prolonger le plaisir, quelques articles et livres en libre accès :
"Pêcheurs de Terre-Neuve. Récit d'un ancien pêcheur." Anonyme
"Histoire de la grande pêche de Terre Neuve" Robert de Loture
"Voyage dans les mers du Nord... bord de la corvette La Reine Hortense" Karol Edmund Choiecki
"Le dernier voyage du Victor Pleven : dans les eaux de Terre Neuve" Alain Guellaff
"L'aventure à Terre-Neuve : Fécamp, Granville, Saint-Malo... Les héros de la Grande Pêche témoignent" Dominique Le Brun et Loïc Josse
Sans oublier le roman poignant de Pierre Loti, Pêcheurs d’Islande