Entre voyage, passion et famille, découvrez l’histoire d’une femme pas comme les autres.
©️Miroir de l’histoire
Le 1er novembre, nous partagions le portrait d’une femme précurseur de son temps, Ada Lovelace. C’est un nouveau portrait de femme que nous vous proposons dans cet article, celui d’une femme prête à tout pour rejoindre son mari, celui d’Isabel Godin des Odonais, unique survivante d’une expédition au cœur de la forêt amazonienne. Entre voyage, passion et famille, découvrez l’histoire d’une femme pas comme les autres.
Isabel Gramesón, de son nom de jeune fille, naît en 1728 dans la Vice-Royauté du Pérou (Équateur) alors dirigée par l’Espagne. Isabel apprend l’espagnol, le quechua, le quipu (méthode de comptabilité inca) ainsi que le français, langue qui ne fera qu’alimenter sa passion pour la France. Encore jeune fille, elle rencontre Jean Godin des Odonais, un cartographe naturaliste français de la première expédition géodésique en Équateur installée entre 1735 et 1744. Peu de temps après, en 1741, les amoureux se marient, Isabel a 14 ans, lui en a 28. Ce conte de fée du XVIIIe siècle pourrait s’arrêter là, « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », sauf qu’ils se marièrent et vécurent séparés pendant de longues années.
Isabel et Jean auront plusieurs enfants qui,malheureusement ne vécurent pas bien longtemps, emportés par la petite vérole.Alors qu’elle est de nouveau enceinte, Jean qui avait retardé son départ avec l’explorateur français Charles Marie de La Condamine, apprend le décès de son père et décide de rentrer en France avec sa femme et son enfant. Le projet paraît simple, Jean voyagera seul jusqu’en Guyane française, en passant par l’Amazonie, afin d’évaluer le danger avant de ramener sa famille à bon port.
Mais tout ne se passera pas comme prévu. A l’époque, les colons Portugais et Espagnols lui refusent de retraverser l’Amazone pour récupérer sa femme et lui suggèrent de rentrer seul en France, chose que Jean refuse, évidemment. Il est forcé de rester vivre en Guyane et n’est pas non plus autorisé à écrire à Isabel. Il en implore même l’Europe pour obtenir l’autorisation de rentrer à Riobamba, là où l’attendent sa femme et sa fille qu’il ne connaîtra jamais. C’est seulement après des années, en 1765, que le roi du Portugal accepte d’envoyer une galiote pour permettre à Jean de retrouver sa femme. Mais il se méfie et préfère quitter le navire au premier port. La galiote, elle, continuera sa route vers Isabel, suivant les ordre de Joseph 1er du Portugal.
Même sans internet, les rumeurs d’un navire l’attendant parviennent jusqu’à Isabel qui, après la confirmation des faits par son père Don Pedro, son domestique Joachim et des Amérindiens, décide de partir en expédition jusqu’à cette fameuse galiote.
Ce sont donc 42 personnes qui, le 1eroctobre 1769, partirent en direction du navire, pour 3000km à parcourir en 6 mois. Elle emmena avec elle ses deux frères, son neveu, trois domestiques, trente et un Amérindiens et trois Français pour en découdre avec la Cordillère des Andes et le bassin amazonien. Entre la réparation archaïque de leur canot, une navigation plus que difficile sur le fleuve et les désertions ou noyades répétées des Amérindiens, l’expédition est menacée. Les compagnons de route d’Isabel meurentles uns après les autres… tués par des piqûres d’insectes,blessés ou perdus dans la forêt. Seul son fils et le médecin, partis en éclaireurs, ont été épargnés. Mais quand ils reviendront au campement, ils ne trouveront que les cadavres des voyageurs. N’ayant pas retrouvé le corps d’Isabel, ils concluent de sa mort et en avertissent Don Pedro, son père, puis Jean.
Mais Isabel n’est pas morte, anéantie par la mort de ses proches, elle trouve tout de même le courage de chercher de la nourriture et à boire pour survivre. Pendant 10 jours elle errera dans la forêt amazonienne, affamée et effrayée, avant d’avoir la chance de rencontrer un groupe d’Amérindiens qui l’aideront à aller jusqu’à Cayenne. L’histoire raconte que les cheveux d’Isabel, traumatisée, ont blanchis en quelques jours seulement. Jean et Isabel se retrouvent en juillet 1770 à Saint-Georges-de-l’Oyapock (Guyane), après 20 longues années sans se voir ni se parler. Les amoureux rentrent en France en 1773, avec Don Pedro, et s’installent à Saint-Amand-Montrond (Cher). « Et ils vécurent heureux » jusqu’en 1792, année de leur mort ou la fin d’une aventure tragique à la fois véritable récit historique du XVIIIe siècle.