Entre confinement, couvre-feu, l'attestation de déplacement ne date pas d'aujourd'hui... Retour sur une archive de 1720.
©️Gallica - BnF
Le 17 mars 2020, puis le 28 octobre, suite à la propagation du virus Covid-19, le Gouvernement impose aux français de respecter une période de confinement, période durant laquelle une attestation de déplacement dérogatoire est obligatoire pour tout déplacement, même à pied.
Mais cette attention de déplacement dérogatoire ne date pas d’aujourd’hui.
En effet, un mois plus tard, l’historien Jérémie Ferrer-Bartomeu partageais sur Twitter une image d’une Attestation de sortie dérogatoire datée de 1720. 300 ans après, des caractéristiques communes rapprochent cette archive de nos attestations modernes.
L’attestation dérogatoire en date du 4 novembre 1720 autorisait un certain Alexandre Coulomb à rejoindre la ville de Blauzac depuis son lieux de résidence à Remoulins dans le Gard. Bien qu’il n’ait qu’une petite vingtaine de kilomètres à parcourir, il est important pour cet homme de fournir la preuve qu’il n’y a « aucun soupçon de mal contagieux » à son encontre. Une mention obligatoire alors qu’une terrible épidémie de peste bubonique touche lourdement la Provence.
Cette épidémie de peste débute au mois de mai 1720 sur le port de Marseille. Elle fera plus de 100 000 morts. A cette époque, la médecine n’était pas capable d’endiguer un phénomène aussi contagieux. Le seul moyen de limiter son impact était alors d’interdire les déplacements, puisque le confinement de la ville de Marseille semblait compliqué.
On lit sur cette attestation :
Nous Consuls du Lieu de Remoulin certifions à tous qu'il appartiendra que Alexandre Coulomb consul habitant de ce lieu âgé de vingt huit ans d'une taille médiocre cheveux châtains part de ce lieu où il n'y a aucun soupçon de Mal Contagieux pour aller à Blozac (Blauzac, Gard). Prions tous ceux qui sont à prier de lui donner libre, entrée & assuré passage. En foi de quoi nous lui avons accordé le présent certificat pour servir ainsi qu'il appartiendra. A Remoulin ce 4e Nbre mil sept cens vingt. Fabre Juge-Consul. »
Jérémie Ferrer-Bartomeu rapportait au Figaro que « le caractère officiel de ce document, imprimé puis complété de façon manuscrite, montre que la situation est grave ». Il ajoute qu’ « à l’époque, même hors épidémie, les mobilités étaient réduites. Le monde était extrêmement compartimenté : on ne rentrait pas comme ça dans une ville. On se méfiait de l’étranger et en période d’épidémie, ces réflexes profondément ancrés redoublaient ».
Alexandre Coulomb n’a sûrement pas eu le choix de se déplacer. L’historien émet l’idée qu’il ait pu aller jusqu’à Blazac pour demander de l’approvisionnement ou pour parler de sûreté.
Si en 2020 on ne risquait qu’une amende de 135€ si notre attestation de déplacement dérogatoire n’était pas remplie, en 1720 on risquait d’être fusillé ou pendu. Une peine bien moins clémente face au risque plus conséquent de contaminer les autres et de faire progresser la maladie.