Marie-Angélique Duchemin, est la première femme décorée de la Légion d’Honneur par Louis-Napoléon Bonaparte. Retour sur l’histoire du «Sergent Liberté ».
La petite Marie-Angélique Josèphe Duchemin nait le 20 janvier 1772 à Dinan, de l’union de Guillaume et Marie Deshais. Ainée d’une fratrie de 5 enfants, Marie-Angélique grandit entourée de soldats. Son père, Guillaume, est enrôlé en 1757 au régiment de Limosin. Il sera engagé durant la majorité de sa vie et prendra pour parrains de ses enfants des camarades du régiment. Plus tard, ses frères Charles et Charles Thomas serviront les rangs militaires également. Marie-Angélique rapporte d’ailleurs ces mots du doyen du régiment :
« Angélique, c’est dommage que tu ne sois pas un garçon, tu ferais un bon soldat ».
Acte de naissance - Source : AD22
Et elle fera un bon soldat. Mais avant de s’engager dans une vie militaire, notre bretonne épouse le caporal André Brulon, lui aussi du régiment du Limosin, le 9 juillet 1789 à Ajaccio. Marie-Angélique a 17 ans. Son mari, fils de marchand tanneur a 27 ans et est originaire de la Marne. 29 mois après ce mariage, le 30 décembre 1791, Brulon décède à l’hôpital d’Ajaccio. Il laisse Marie-Angélique avec deux enfants.
Acte de mariage - Source : AD Corse
Suite à la mort de son mari en 1791 et de son père en 1792, Marie-Angélique aussi surnommée la « Veuve Brulon » endosse l’uniforme. C’est son frère de 18 ans qui lui enseigne la pratique des armes tandis qu’elle étudie son livre de théorie en parallèle. Autorisée par le général Casabianca à intégrer le 42e Régiment d’infanterie, elle est affectée au magasin de l’unité en tant que fourrier. Elle a également hérité du grade de caporal de son époux.
Elle prendra le nom de guerre « Liberté » durant sa carrière au combat de 1793 à 1794 en Corse. Période durant laquelle les registres mentionnent, en parlant d’elle, une « défense héroïque » pour avoir retenu les assauts de rebelles corses alliés aux soldats anglais. Mais c’est surtout la date du 24 mai 1794 qui permet au Sergent Liberté de montrer son héroïsme. Suite à la défense du fort de Gesco, ses hommes en parlent en ces termes :
«Nous soussignés, caporal et soldats du détachement du 42e régiment, en garnison à Calvi, certifions et attestons que, le 5 prairial an II, la citoyenne Marie Angélique Josèphe Duchemin, veuve Brûlon, caporal fourrier, faisant fonction de sergent, nous commandait à l'affaire du fort de Gesco ; qu'elle s'est battue avec nous avec le courage d'une héroïne ; que les rebelles corses et les Anglais ayant chargé d'assaut, nous fûmes obligés de nous battre à l'arme blanche ; qu'elle a reçu un coup de sabre au bras droit et, un moment après, un coup de stylet au bras gauche, que nous voyant manquer de munitions, à minuit, elle partit, quoique blessée, pour Calvi, à une demi-lieue, où, par le zèle et le courage d'une vraie républicaine, elle fit lever et charger de munitions environ soixante femmes, qu'elle nous amena elle-même escortée de quatre hommes, ce qui nous mit à même de repousser l'ennemi et de conserver le fort, et qu'enfin nous n'avons qu'à nous louer de son commandement.»
En juillet 1794, Marie-Angélique, 25 ans, est gravement blessée à la jambe gauche par un éclat d’obus. Inapte au combat, elle restera trois ans dans l’administration de l’habillement, de l’équipement et du campement de l’armée d’Italie avant d’entrer à l’Hôtel des
Invalides en 1797. Elle est la première femme à y être admise au titre d’une invalidité. C’est là aussi qu’elle sera affectée comme sous-officier au magasin d’habillement, un titre qui fait d’elle la première femme gradée de l’Armée française.
Marie-Angélique passera le reste de ses jours à l’Hôtel des Invalides. Mais dès 1804, le maréchal Sérurier sollicite la Légion d’honneur pour elle. Cette demande restera sans réponse favorable. Il lui faudra attendre le 15 août 1851 pour que Louis-Napoléon Bonaparte la distingue de la Légion d’Honneur (dossier consultable dans la base Léonore). Marie-Angélique Brulon a 79 ans, elle est la première femme à recevoir ce titre.